Réuni mi-octobre, le jury des Prix HiP 2020 a retenu trois ouvrages finalistes dans la catégorie Livre de l'année. Le nom du lauréat sera dévoilé début novembre.
Les trois ouvrages finalistes :
• Jamais je ne t'oublierai, de Carolle Bénitah (L'Artière)
• Desmemoria, de Pierre-Élie de Pibrac (Xavier Barral / Atelier EXB)
• André Kertész, marcher dans l'image, de Cédric de Veigy (André Frère éditions)
Les trois ouvrages finalistes :
• Jamais je ne t'oublierai, de Carolle Bénitah (L'Artière)
• Desmemoria, de Pierre-Élie de Pibrac (Xavier Barral / Atelier EXB)
• André Kertész, marcher dans l'image, de Cédric de Veigy (André Frère éditions)
Jamais je ne t'oublierai • Carolle Bénitah
J’ai réalisé, en travaillant sur mes archives personnelles, qu’il existait très peu d’images de mes parents avant leur mariage, un désert iconographique expliqué par le fait qu’ils sont nés dans les années 1930 dans un Maroc encore sans eau courante ni électricité. Les rares photographies détenues par ma grand-mère étaient verrouillées à double tour pour ne pas évoquer le drame causé par la perte accidentelle d’un de ses fils.Une chape de silence avait frappé d’interdit cette vie antérieure. Je me suis retrouvée orpheline d’images du passé.
Je collectionne les photographies anonymes que j’achète dans les brocantes. Je suis aimantée par ce bonheur qui s’affiche au garde-à-vous sur ces photos, par ces gens que je ne connais pas et qui ont existé, aimé et disparu. Ils sont des fantômes qui me suivent sans bruit et je me les approprie pour construire un album de famille imaginaire afin de réparer l’oubli.
Je reconstruis la mémoire de ma famille qui m’a manqué, je m’en invente une autre sur
mesure où je ressuscite tous les ascendants qui ont disparu, les territoires que je n’ai pas connus et qui m’ont été vantés.
Ces rebuts, cédés pour quelques euros sur le bord du trottoir parce que les héritiers n’en veulent plus, changent de statut par un geste, l’application de la feuille d’or sur la photographie. En masquant une partie de l’image, et plus spécifiquement les visages de ces fantômes, je décuple les projections possibles.
L’or est un métal inoxydable. L’à-plat doré opère à la fois comme une oblitération et une surface brillante sur laquelle se réfléchissent nos propres visages.
Je choisis des photographies qui évoquent quelque chose de déjà-vu, une pose familière, des moments heureux qui illustrent toutes ces fables racontées sur les ancêtres. Ce bonheur ritualisé au fil des évènements renvoie aux mensonges sur le mythe familial. Il évacue la matière noire liée à la famille, justement absente de ces photographies-là.
Afin de démentir ce bonheur idéal, je note au bas des photographies de cet album imaginaire, des souvenirs personnels et douloureux qui parlent de difficulté à se construire une vie heureuse « comme sur les photos ».
Je tape ces souvenirs sur un clavier dont des touches sont inopérantes à cause d’un café que j’y ai accidentellement renversé, tout comme Hölderlin qui a volontairement enlevé certaines cordes de son piano et joue sans savoir lesquelles sont manquantes. Les souvenirs que je relate deviennent opaques, incompréhensibles pour le lecteur. Mais à l’instar de ces photographies qui disent l’impossibilité de l’identification, je construis des souvenirs absents.
Utiliser ces images est une façon de vivre par procuration et de reconstituer une vie rêvée. Néanmoins, l’intervention à la feuille d’or crée des trous de mémoire et impose une distance, ce qui fait que je ne suis pas dupe du mensonge qu’elles affichent.
Travailler sur ces photographies permet de faire le deuil de cette vie de famille idéale. Reprendre un à un tous les anciens fantasmes concernant ces projections et les démonter rend cette mort symbolique supportable.
L'Artière • 20,7 x 22,5 cm • 56 pages • 65 €
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Je collectionne les photographies anonymes que j’achète dans les brocantes. Je suis aimantée par ce bonheur qui s’affiche au garde-à-vous sur ces photos, par ces gens que je ne connais pas et qui ont existé, aimé et disparu. Ils sont des fantômes qui me suivent sans bruit et je me les approprie pour construire un album de famille imaginaire afin de réparer l’oubli.
Je reconstruis la mémoire de ma famille qui m’a manqué, je m’en invente une autre sur
mesure où je ressuscite tous les ascendants qui ont disparu, les territoires que je n’ai pas connus et qui m’ont été vantés.
Ces rebuts, cédés pour quelques euros sur le bord du trottoir parce que les héritiers n’en veulent plus, changent de statut par un geste, l’application de la feuille d’or sur la photographie. En masquant une partie de l’image, et plus spécifiquement les visages de ces fantômes, je décuple les projections possibles.
L’or est un métal inoxydable. L’à-plat doré opère à la fois comme une oblitération et une surface brillante sur laquelle se réfléchissent nos propres visages.
Je choisis des photographies qui évoquent quelque chose de déjà-vu, une pose familière, des moments heureux qui illustrent toutes ces fables racontées sur les ancêtres. Ce bonheur ritualisé au fil des évènements renvoie aux mensonges sur le mythe familial. Il évacue la matière noire liée à la famille, justement absente de ces photographies-là.
Afin de démentir ce bonheur idéal, je note au bas des photographies de cet album imaginaire, des souvenirs personnels et douloureux qui parlent de difficulté à se construire une vie heureuse « comme sur les photos ».
Je tape ces souvenirs sur un clavier dont des touches sont inopérantes à cause d’un café que j’y ai accidentellement renversé, tout comme Hölderlin qui a volontairement enlevé certaines cordes de son piano et joue sans savoir lesquelles sont manquantes. Les souvenirs que je relate deviennent opaques, incompréhensibles pour le lecteur. Mais à l’instar de ces photographies qui disent l’impossibilité de l’identification, je construis des souvenirs absents.
Utiliser ces images est une façon de vivre par procuration et de reconstituer une vie rêvée. Néanmoins, l’intervention à la feuille d’or crée des trous de mémoire et impose une distance, ce qui fait que je ne suis pas dupe du mensonge qu’elles affichent.
Travailler sur ces photographies permet de faire le deuil de cette vie de famille idéale. Reprendre un à un tous les anciens fantasmes concernant ces projections et les démonter rend cette mort symbolique supportable.
L'Artière • 20,7 x 22,5 cm • 56 pages • 65 €
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Desmemoria • Pierre-Élie de Pibrac
Desmemoria constitue un témoignage à la fois photographique, anthropologique et social sur la communauté des azucareros de Cuba – les travailleurs de l’industrie du sucre et révolutionnaires de la première heure. Entre 2016 et 2017, Pierre-Élie de Pibrac a sillonné l’île et a vécu chez diverses familles de cette communauté. À travers cette expérience, le photographe interroge la fin des utopies chez un peuple qui a cru et oeuvré pour que s’incarne le rêve castriste.
Xavier Barral / Atelier EXB • 21,5 x 29 cm • 216 pages • 45 €
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Xavier Barral / Atelier EXB • 21,5 x 29 cm • 216 pages • 45 €
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André Kertész, marcher dans l'image • Cédric de Veigy
Voir à l’œuvre André Kertész (1894-1985), le photographe le plus apprécié des photographes, à travers les séquences de prises de vues que nous révèlent ses négatifs, accompagner les déambulations de son objectif dans les rues du Paris des années 1930, observer comment son œil épouse l’ergonomie de son Leica et s’insère dans le champ optique du monde, retrouver ses hésitations, apprécier sa patience, partager sa joie de pouvoir marcher dans l’image tout en laissant les corps et les visages entrer dans le cadre de son viseur, saisir les intuitions de son regard au moment du déclenchement, l’écouter parler de sa pratique, comprendre sa retenue envers l’instant décisif, percevoir finalement la précaution avec laquelle il confie à la pellicule l’attention que lui adressent des proches ou des inconnus, et rétablir au passage la datation de quelques clichés célèbres dont la chronologie était faussée depuis plus de cinquante ans ; telles sont les ambitions d’un ouvrage qui peut aussi se lire comme un manuel historique, pratique et éthique de la photographie de rue, et qui nous conte, en mots et en images, ce moment singulier où un homme permet à la photographie de se découvrir une vocation nouvelle : recueillir et manifester l’attention qui nous relie les uns aux autres. Cédric de Veigy
André Frère éditions • 20,5 x 27 cm • 240 pages • 39 €
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André Frère éditions • 20,5 x 27 cm • 240 pages • 39 €
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